Petite histoire des Green / Super Eagles (Première Partie)

La fin du siècle dernier était marquée par un nombre important d’équipes légendaires, qu’elles soient nationales ou de clubs, et l’une d’entre elles n’était pas un des ogres Européens ou Sud-Américains. Pendant une période, c’est l’équipe nationale du Nigeria qui a bénéficié d’une hype importante. Retour sur l’histoire d’une formation qui a changé définitivement la dimension du football Africain. Première partie sur les débuts du football Nigérian, la construction de l’équipe des 90’s et le sacre de Tunis.

La coupe du monde 2018 a été marquée par un échec retentissant pour le football Africain. En effet, pour la première fois depuis 1982 aucune sélection du continent n’a été capable de passer le premier tour. Pire encore c’est aussi la manière qui a fait défaut. Les deux formations éliminées lors du Mundial Espagnol l’ont été par les deux futurs finalistes de la compétition, avec les honneurs et dans des conditions particulières. Le Cameroun fut sorti aux dépends de l’Italie sans concéder la moindre défaite et en subissant un arbitrage défavorable notamment au cours de son match contre le Pérou. L’Algérie, quant à elle, fut éliminée dans des conditions encore plus rocambolesques en remportant deux de ses trois rencontres mais en subissant le fameux match de la honte entre la RFA et l’Autriche remporté 1-0 par les Allemands, résultat qualifiant les deux formations Européennes au détriment des Maghrébins. Depuis, l’Afrique réussissait à placer systématiquement une équipe en huitièmes de finale, et même deux formations en 2014 avec les qualifications de l’Algérie et du Nigeria au second tour. Ce résultat calamiteux en Russie est donc bien loin des éliminations héroïques les armes à la main de 1982, à une époque où le football Africain n’en était qu’à ses balbutiements au niveau mondial. Et il nous éloigne de ce qui ne paraissait pas si utopique au cours des années 1990, la victoire d’une équipe Africaine en coupe du monde. Et s’il y a bien un pays que beaucoup d’observateurs voyaient atteindre ce but, ce fut le Nigeria qui connut sa meilleure période durant la dernière décennie du vingtième siècle.

Lire aussi: Mondial 1982 : L’Algérie bouleverse le monde du football

Des débuts moyens

Nation indépendante le 1e octobre 1960, le Nigeria est affilié à la CAF et à la FIFA la même année, ce qui lui permet de participer aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations et de la Coupe du Monde qui suivent. Les deux phases finales ont lieu en 1962 respectivement en Ethiopie et au Chili. Les débuts en qualifications de Coupe d’Afrique sont folkloriques, après avoir éliminé le Ghana au tirage au sort au premier tour (0-0, 2-2) la séance de tirs au but n’existant pas encore à l’époque, les Nigérians ont été disqualifiés au tour suivant face à la Tunisie. Après une victoire 2-1 à Lagos à l’aller, le Nigeria mène 2-1 au cours du match retour et semble plus que jamais qualifié pour sa première CAN. La Tunisie égalise à la 65e minute, les Nigérians contestent ce but et décident de quitter le terrain. Le match est arrêté et la CAF décide de donner la Tunisie vainqueur 2-0 qui par conséquent se qualifie pour la première CAN de son histoire.

Les éliminatoires pour la Coupe du monde se déroulent de façon plus classique, le Nigeria hérite du Ghana de nouveau, mais cette fois la confrontation tourne à l’avantage des Black Stars qui passent sans coup férir (4-1, 2-2). Il semblait de toute façon assez utopique de voir ceux qu’on appelait les Green Eagles aller au Chili. L’Afrique ne disposait alors que d’une place en barrage contre une équipe Européenne, le Maroc obtint ce bien et tomba contre l’Espagne avec les honneurs (0-1, 2-3). Cette situation mena au boycott des sélections Africaines aux éliminatoires de la Coupe Du Monde 1966, et ce afin d’obtenir une place directe pour la compétition réunissant le gratin mondial. Combat récompensé par un sésame pour l’Afrique en 1970.

Le Nigeria se qualifie par la suite pour sa première CAN en 1963 au Ghana, encore une fois les conditions durant les qualifications sont rocambolesques. La Guinée est l’obstacle à éviter pour prendre part à la phase finale et au terme de la double confrontation ce sont les Guinéens qui se qualifient en cherchant le nul à Lagos (2-2), et en l’emportant au retour à Conakry (1-0). Mais le Nigeria pose une réserve et celle-ci aboutit positivement, en effet il n’y avait pas d’arbitre de nationalité neutre au cours du match retour et par conséquent la Guinée est disqualifiée. Le dépucelage du Nigeria en phase finale de CAN est douloureux, les deux rencontres de poule sont perdues assez nettement contre l’Egypte portant encore le nom de République Arabe Unie (3-6) et contre le Soudan (0-4).

Par la suite, le Nigeria ne se qualifie à aucune phase finale de grande compétition pendant 13 ans et effectue son retour en Coupe d’Afrique en 1976, cette date marque un changement sur l’échiquier du football Africain. Le Nigeria change de statut et devient une puissance dominante sur le continent.

Troisième en 1976, le Nigeria récidive en 1978 en prenant la même place à l’issue d’un match qui n’arrive pas à son terme, car son adversaire quitte le terrain en contestation du but égalisateur Nigérian, cet adversaire est …. la Tunisie. Curieux retournement de l’histoire.

 

Les Green Eagles à la CAN 1980 à domicile. | Crédit image : Goal.com

 

Une installation durable dans l’élite du football Africain

Lagos et Ibadan accueillent la première CAN organisée sur le sol Nigérian en 1980, cette compétition marque le premier titre majeur obtenu par les partenaires de Christian Chukwu, Segun Odegbami, et Mudashiru Lawal, vainqueurs de l’Algérie en finale (3-0) après un parcours sans faute.

Les années 80 voient l’installation durable du Nigeria dans l’élite du football Africain. Hormis en 1986, les Green Eagles se qualifient systématiquement en Coupe D’Afrique et font toujours partie des favoris de la compétition. Toujours placés, jamais gagnants, ils s’inclinent trois fois en finale, en 1984 contre le Cameroun (1-3), en 1988 de nouveau face au Cameroun (0-1) et en 1990 en Algérie face au pays organisateur (0-1).

Concernant la Coupe du Monde, le Nigeria n’a toujours pas pris part à une phase finale à la fin de la décennie, pourtant les résultats sont bons mais les Green Eagles échouent et souvent de peu. Ils atteignent le dernier tour au cours des éliminatoires du Mundial 1970, et finissent à un point du Maroc premier qualifié Africain de l’histoire au sein de qualifications exclusives au continent (l’Egypte a déjà participé à une coupe du monde en 1934 mais sans passer par un écrémage Africain). Pour celles de 1974, c’est le Ghana qui fait office de bourreau (0-2, 0-0) au second tour. Au cours des éliminatoires de 1978, les Nigérians parviennent au dernier tour et perdent le dernier match à domicile contre la Tunisie (0-1) alors qu’une victoire leur offrait une quasi-qualification en Argentine. Ceux de 1982 voient le Nigeria tomber au dernier tour contre l’Algérie (0-2, 1-2). D’ailleurs, suite à cette défaite à Lagos le Nigeria restera invaincu à domicile en compétition officielle pendant 33 ans. Pour 1986, la Tunisie élimine les Ouest-Africains, au cours de l’avant-dernier tour (1-0, 0-2). Enfin pour les éliminatoires de la coupe du monde 1990, le Cameroun et le Nigeria se disputent la première place de leur groupe au cours de la dernière journée, un match remporté 1-0 par les Lions Indomptables à Yaoundé, prélude à leur magnifique épopée Italienne.

Un événement tragique marque ces dernières qualifications. Le 12 août 1989, au Surulere Stadium de Lagos le Nigeria bat difficilement l’Angola 1-0 et obtient sa finale contre le Cameroun deux semaines plus tard. À la 80e minute de la rencontre, la star de l’équipe Samuel Okwaraji s’effondre sur le terrain et ne se relèvera jamais, il est déclaré décédé dès son arrivée à l’hôpital. Ses coéquipiers effondrés n’ont pas réussi à lui offrir en cadeau une première qualification mondiale.

Un changement important

Cet énième échec durant cette décennie a une conséquence qui marquera à jamais le football Nigérian, la fédération décide de nommer le Néerlandais Clemens Westerhof à la tête de l’équipe à l’aube de la Coupe d’Afrique des Nations 1990. Celui-ci prend une décision radicale, il souhaite rajeunir l’équipe pour à terme la qualifier au prochain mondial qui se déroule aux Etats-Unis. Sa liste pour la CAN est critiquée, la moyenne d’âge de l’équipe est de 22 ans, de nombreux cadres sont absents tels le gardien Peter Rufaï, les défenseurs Augustine Eguavoen et Stephen Keshi, ou encore l’attaquant Samson Siasia. Les quatre joueurs évoluent en Europe et leurs clubs sont réticents à les libérer pendant la compétition, Westerhof y voit cela d’un bon œil, il pourra avoir sous ses ordres un groupe plus facile à gérer et plus malléable à son management dictatorial. En revanche, Rashidi Yekini fait partie du groupe en dépit de ses performances décevantes en équipe nationale jusque-là, le relancer pourrait faire de lui un soldat indéfectible. De nombreux joueurs sont appelés pour la première fois, les défenseurs Benedict Iroha et Uche Okechukwu, le milieu Emmanuel Okocha, et un jeune attaquant de 17 ans Daniel Amokachi. Cette liste surprenante et le fait que le Nigeria hérite d’un groupe très difficile, avec pour adversaires l’Egypte, la Côte D’ivoire et l’Algérie, pays organisateur à affronter dès le match d’ouverture, font que cette CAN est attendue avec un grand pessimisme au pays.

Le 2 mars 1990 au Stade du 5 Juillet à Alger, le résultat donne raison aux observateurs, l’Algérie atomise le Nigeria 5-1 pour ouvrir cette compétition. La tête de Westerhof est déjà réclamée par les journalistes. Le Néerlandais ne s’inquiète pas, il a aimé ce qu’il a vu en première mi-temps, son équipe n’a craqué qu’à partir de l’heure de jeu alors que le score n’était que de 1-0. De plus, l’adversaire suivant est une Egypte B, les Pharaons n’ont pas voulu envoyer leurs meilleurs éléments. En effet, ils craignent pour la santé de leurs joueurs à l’aube de la Coupe du Monde qui se déroulera trois mois plus tard en Italie et pour laquelle ils se sont qualifiés à la suite d’une double confrontation extrêmement houleuse contre …. l’Algérie, futur adversaire dans ce groupe. Cette Egypte est donc l’adversaire parfait pour se relancer.

Trois jours plus tard, Rashidi Yekini marque dès la 8e minute l’unique but du match opposant Green Eagles et Pharaons (1-0), un match maîtrisé du début à la fin par les Nigérians qui s’offrent une finale pour la deuxième place du groupe contre la Côte D’Ivoire. Tout autre résultat qu’une victoire éliminerait les hommes de Westerhof.

Contre les Eléphants encore une fois, le Nigeria marque rapidement et par Yekini, cette fois dès la 3e minute. Le match est plus difficile mais est maîtrisé notamment par la sérénité d’Uche Okechukwu en défense centrale, cette équipe progresse à vitesse grand V et affiche une maturité étonnante au vu de l’âge moyen du groupe. Malgré un dernier rush Ivoirien, le Nigeria résiste, remporte la victoire 1-0 et se qualifie en demi-finales où l’attend la Zambie, tombeur du futur mondialiste Camerounais.

Les Chipolopolos sont nettement favoris pour cette rencontre, l’ossature de cette équipe est celle qui a notamment battu l’Italie 4-0 aux Jeux Olympiques de Séoul deux ans auparavant, de plus la Zambie est la bête noire du Nigeria qui n’est jamais parvenue à la battre. Pourtant, les coéquipiers de Yekini vont livrer leur meilleur match du tournoi et dominer les Zambiens durant tout le match. Okechukwu de la tête suite à un corner à la 18e minute, puis Yekini sur une reprise de volée aux 6 mètres à la 77e minute scellent une victoire facile du Nigeria 2-0.

Le Nigeria est en finale avec une équipe totalement remaniée. Cette formation est passée de chair à canon à équipe prometteuse pour l’avenir en seulement dix jours. Le pari de Westerhof est déjà réussi et sa touche est visible. Rigueur, impact physique, jeu rapide sur les côtés, percussion. Par ailleurs, Yekini revit et est l’arme fatale de cette jeune équipe.

L’ogre de la compétition se présente en finale le 16 mars 1990, et rappelle un mauvais souvenir pour les jeunes Aigles. L’Algérie est le dernier obstacle à franchir pour remporter ce tournoi. Devant 120000 spectateurs, le Nigeria livre une performance totalement différente de celle livrée deux semaines plus tôt, le match n’est pas à sens unique et les Fennecs ne sont plus aussi sereins. Néanmoins, Oudjani marque d’une superbe frappe des 20 mètres le premier et unique but de la rencontre. Le Nigeria est dominé mais reste dangereux en contre, Yekini est parfaitement muselé par la défense Algérienne qui ne prendra aucun but au cours de cette finale. Le score final est de 1-0 pour l’Algérie. Le Nigeria ressort grandi de cette CAN 1990 et l’objectif de qualification pour la prochaine Coupe du Monde est loin d’être utopique.

Les prémices du succès

Au cours de l’été 1990, le Cameroun émerveille le monde du football en atteignant les quarts de finale du Mondiale Italien, une première pour une équipe Africaine, la FIFA décide donc d’attribuer une troisième place en Coupe du Monde au continent noir dès 1994 au vu des récentes bonnes performances du Cameroun, de l’Algérie ou du Maroc. Un coup de pouce supplémentaire pour l’objectif Etats-Unis du Nigeria.

La belle épopée Camerounaise a également un autre impact positif, la CAN devient une compétition plus prisée et suivie par les médias et observateurs hors Afrique, il devient donc par la suite plus facile aux sélections d’obtenir la libération des joueurs évoluant en Europe pendant la compétition. Westerhof fait de la CAN 1992 un objectif important, d’autant plus qu’il pourra cette fois disposer des joueurs plus expérimentés absents en 1990, ceux-ci peuvent être importants pour encadrer de jeunes pousses dont il continue l’intégration progressive en sélection. Le parcours qualificatif de l’équipe nationale n’est pas très convaincant, le Nigeria est deuxième de son groupe derrière le Ghana et dispute un dernier match décisif à Lagos contre le Burkina Faso qui tente de se qualifier pour sa première CAN. Les coéquipiers de Yekini ne laissent pas l’ombre d’une chance aux Etalons Burkinabés et s’imposent 7-1 avec notamment un quadruplé de Yekini plus que jamais buteur de cette sélection. Cette campagne qualificative voit l’intégration d’autres jeunes joueurs comme George Finidi ou encore Mutiu Adepoju, ainsi que l’installation en tant que titulaire du jeune prodige Daniel Amokachi qui a signé au FC Bruges au lendemain de la CAN 1990. Mais surtout Westerhof tâtonne, expérimente beaucoup, et de nombreux jeunes joueurs présents en Algérie ne sont plus convoqués. Le Néerlandais est le seul maître à bord et l’indique clairement par ses choix qui paraissent parfois déroutants.

Le tirage au sort de la CAN 1992 offre de nouveau au Nigeria le match d’ouverture contre le pays organisateur, le Sénégal cette fois. Westerhof prend une équipe plus expérimentée son objectif est clairement de remporter le tournoi, Keshi, Eguavoen et Siasia sont présents Rufaï ne l’est pas, ni Daniel Amokachi non libéré par le FC Bruges. Parmi les jeunes joueurs nouvellement convoqués deux ans auparavant, seul Uche Okechukwu est dans le groupe. Victor Ikpeba est convoqué pour la première fois et apporte un peu de sang neuf au groupe.

Le 12 janvier 1992, le Nigeria affronte le Sénégal à Dakar en ouverture de la compétition, Samson Siaisia ouvre le score pour les Green Eagles dès la 13e minute suite à une belle passe en profondeur d’Emeka Ezeugo. Stephen Keshi, l’expérimenté stoppeur Nigérian, se troue en fin de première période et permet à Jules Bocandé d’égaliser à la plus grande joie des spectateurs présents au Stade de l’Amitié. Le match est serré, et alors qu’on se dirige vers un match nul, une action initiée par George Finidi à la 89e minute se conclut par une frappe puissante en pleine lucarne de Keshi, monté aux avants postes, qui fait oublier sa bourde initiale et permet aux Green Eagles de remporter 2-1 le match inaugural.

Trois jours plus tard toujours au Stade de l’Amitié, le Nigeria affronte le Kenya, et Rashidi Yekini marque rapidement à deux reprises. Une première fois à la 7e minute suite à un bon travail de Mutiu Adepoju, il conclut l’action en puissance d’une belle frappe croisée. Puis 8 minutes plus tard, sur un bon centre de Friday Elaho, d’un bel enchaînement amorti poitrine reprise du gauche à bout pourtant, il crucifie le gardien Kenyan John Busolo sur sa ligne. Les Kényans réduisent la marque sur penalty dans les arrêts de jeu par Mickey Weche mais sans conséquence sur le résultat, le Nigeria s’impose 2-1 beaucoup plus facilement que le score ne l’indique et se qualifie en quarts de finale.

Yekini sera encore le sauveur du Nigeria durant ce match, il inscrit à la 22e minute le seul but de la rencontre à la suite d’un cafouillage dans la surface Zaïroise. Peu inquiétés, les coéquipiers du taureau de Kaduna restent peu convaincants, tout le contraire de leur futur adversaire en demi-finales, le rival Ghanéen emmené par son formidable duo Abedi Pelé-Anthony Yeboah en état de grâce.

Les Nigérians démarrent idéalement et ouvrent le score à la 11e minute de jeu, sur une jolie tête décroisée de Mutiu Adepoju suite à un centre venu de la droite de Thompson Oliha, un des joueurs rescapés de la CAN 1990. Le Nigeria joue magnifiquement en contre mais multiplie les occasions ratées, la situation du match se retourne et le Ghana égalise juste avant la mi-temps par Abedi Pelé suite à un corner. Puis à la 55e minute, Prince Polley Opoku inscrit le but de la victoire Ghanéenne sur une action confuse terminée à bout portant. Le Nigeria s’incline 2-1 et ne soulèvera pas le trophée encore une fois.

La victoire 2-1 au cours du match pour la troisième place contre le Cameroun n’est pas si anecdotique que cela, les Lions Indomptables sont les principaux rivaux régionaux avec les Black Stars, et ils sont également devenus l’équipe à battre en Afrique suite au Mondiale 1990. Yekini marque son quatrième but de la compétition et finit meilleur buteur. Ce succès permet aussi de finir cette CAN sur une bonne note.

Malgré cette place sur le podium, Clemens Westerhof est en sursis. Les résultats et surtout la manière ont été décevants, de plus les joueurs apprécient de moins en moins son autoritarisme et ses consignes défensives. Il est malgré tout maintenu par la fédération Nigériane de football, les éliminatoires de la prochaine CAN et surtout de la Coupe du Monde démarrant prochainement.

Objectif Coupe du Monde 1994

Les qualifications pour la CAN 1994 devant se dérouler en Tunisie sont une formalité, le Nigeria se qualifie facilement pour la phase finale en remportant tous ses matches à domicile contre l’Ouganda (2-0), le Soudan (4-0), et l’Ethiopie (6-0). Au cours de ce dernier match, le gardien Peter Rufaï, qui effectue son retour au cours de ces campagnes, se permet même d’inscrire un but sur penalty. Seul bémol, la défaite sans conséquence en Ethiopie (0-1).

Celles pour la Coupe du Monde se déroulent en deux étapes, elles démarrent en octobre 1992, le premier de chacun des neuf groupes se qualifie pour le second et dernier tour composé de trois groupes de trois équipes. Le vainqueur de chacun de ces groupes se qualifie pour les Etats-Unis.

Le premier tour est piégeux, le Nigeria doit se défaire du Congo, et surtout de l’Afrique Du Sud réintégré dans le giron du football après plus de trente ans d’exclusion en raison du régime d’apartheid. Ce tour d’écrémage est passé sans difficulté par les coéquipiers de Rashidi Yekini qui inscrit trois buts en quatre rencontres. Les Nigérians battent les Sud-Africains 4-0 à Lagos et vont chercher le nul à Johannesburg 0-0. Ils dominent également le Congo à deux reprises 1-0 à Brazzaville et 2-0 à Enugu.

Le tirage au sort du deuxième tour est attendu avec impatience par Westerhof et ses hommes, et c’est un coup de tonnerre, les Nigérians héritent du groupe de la mort avec la Côte D’Ivoire, championne d’Afrique en titre, et l’Algérie vainqueur de la CAN 1990. Les Fennecs même s’ils sont en reconstruction ne sont pas à négliger, ils ont éliminé le Ghana qui était l’énorme favori de ces qualifications. Les Eléphants s’annoncent tout de même comme le principal adversaire du groupe.

Cette période est marquée par l’arrivée de nombreux jeunes joueurs prometteurs au sein du nid des aigles. Emmanuel Amunike, Sunday Oliseh, et surtout un jeune prodige de 19 ans déjà titulaire à l’Eintracht Francfort, Augustine Okocha surnommé “Jay-Jay” le petit frère d’Emmanuel Okocha présent au cours de la CAN 1990 sont appelés pour le match opposant le Nigeria à la Côte D’Ivoire à Abidjan le 2 mai 1993. Les Elephants sont allés chercher un bon résultat nul à Tlemcen 1-1 contre l’Algérie et peuvent faire un grand pas vers l’Amérique en cas de succès.

Rashidi Yekini marque dès la 5e minute pour les Nigérians, le match démarre comme dans un rêve pour les Green Eagles, mais ce match se résume à un attaque défense les Ivoiriens dominent outrageusement la rencontre. La défense Nigériane plie et finit par rompre à la 70e minute, un penalty est accordé aux Eléphants et celui-ci est transformé par Abdoualye Traoré. 5 minutes plus tard, Ahmed Ouattara inscrit le deuxième but Ivoirien. Le score ne bouge plus, le Nigeria s’incline 2-1 et cela est plutôt bien payé au vu de la physionomie de la rencontre.

Le match contre l’Algérie, le 3 juillet 1993, est déjà celui de la dernière chance pour les Nigérians, mais aussi pour les Algériens, tout autre résultat qu’une victoire est une aubaine pour la Côte D’Ivoire. Le droit à l’erreur est moindre dans un groupe à trois équipes. Westerhof décide de titulariser Jay-Jay Okocha pour mener le jeu. Le Stade du Surulere est plein depuis plusieurs heures, et il est réduit au silence après 5 petites minutes de jeu. Le feu follet Algérien Abdelhafid Tasfaout s’impose physiquement malgré son petit gabarit devant la défense Nigériane et ouvre le score pour les Maghrébins. Le Nigeria est au fond du trou, le travail entamé au lendemain de l’élimination pour la Coupe du Monde 1990 semble se finir après seulement deux matches au dernier tour. Les Green Eagles ne sont pas abattus et reprennent la main sur le jeu, ils obtiennent un coup franc aux vingt mètres à la 12e minute de jeu, Okocha prend ses responsabilités le tire et trouve la lucarne. C’est l’égalisation, dès lors le match change complètement, le jeune prodige a changé le jeu de son équipe et l’Algérie est totalement débordée, les occasions se multiplient et l’inévitable Yekini inscrit un doublé aux 26e et 32e minutes. Daniel Amokachi clôt le festival à deux minutes de la fin, le Nigeria s’impose 4-1 et se relance dans la course à la qualification. Ce match est aussi marqué par une qualité de jeu que le Nigeria n’avait pas jusque-là. Okocha a apporté une touche technique nouvelle à son équipe et rendu ses coéquipiers meilleurs.

L’Algérie s’incline de nouveau en Côte D’Ivoire 1-0, le Nigeria doit donc disputer une forme de finale le 25 septembre 1993 contre les Eléphants à Lagos. Tout autre résultat qu’une victoire qualifierait la Côte D’Ivoire à sa première Coupe du Monde. Les Nigérians d’entrée prennent les Ivoiriens à la gorge et livrent une nouvelle prestation de haute volée dans le prolongement du match contre l’Algérie. Leur domination est récompensée dès la 20e minute de jeu par un but de Thompson Oliha, Daniel Amokachi double la mise cinq minutes plus tard, le match est à sens unique mais le Nigeria vendange un grand nombre d’occasions. Les Ivoiriens réduisent le score en début de deuxième mi-temps par Joël Tiéhi et le doute s’installe quelques instants dans les têtes des Green Eagles. Mais pour peu de temps, les coéquipiers d’Okocha obtiennent un penalty à la 57e minute, Yekini le transforme. Il termine le travail en inscrivant son second but personnel à la 79e minute, le Nigeria l’emporte encore une fois 4-1 et a une différence de buts nettement favorable contre les Ivoiriens.

Le contrat à remplir est simple, si le Nigeria cherche un match nul à Alger, il se qualifie pour la première fois en Coupe du Monde, il aura en plus affaire à une équipe qui pourrait être démobilisée car éliminée. Le début du match de ce 8 octobre 1993 donne raison à cette idée, l’Algérie est dépassée, l’intensité est mise uniquement du côté Nigérian et logiquement George Finidi ouvre le score à la 22e minute. La mi-temps s’achève sur ce score de 1-0 pour le Nigeria qui est plus que jamais qualifié, mais en seconde période changement de physionomie, l’Algérie met beaucoup plus d’impact quand les Nigérians doutent et se retrouvent avec la peur de gagner. Tasfaout égalise à la 66e minute et les 25 dernières minutes paraissent longues pour les Green Eagles qui tiennent le coup et parviennent à jouer la montre. Au coup de sifflet final, le score est de 1-1, Westerhof a réussi sa mission entamée à la fin de l’année 1989, le Nigeria jouera la Coupe du Monde 1994.

La consécration

Il bénéficie d’une préparation parfaite pour la World Cup 94, en effet la CAN se déroule deux mois avant la compétition mondiale. Avantage ? Inconvénient ? La suite de l’histoire pourrait donner raison au premier cas. Pour la première fois depuis sa prise de poste, il pourra bénéficier de l’intégralité de son effectif pour la grande messe du football Africain, l’objectif est plus que jamais de remporter le titre, de plus il pourra parfaire les automatismes de son équipe en conditions de compétition. Le risque en revanche, est que les joueurs arrivent épuisés aux Etats-Unis.

 

Les champions d’Afrique 1994. De gauche à droite et de haut en bas: Efan Ekoku, Uche Okechukwu, Augustine Eguavoen, Daniel Amokachi, Uche Okafor, Peter Rufaï, Sunday Oliseh, Benedict Iroha, Rashidi Yekini, George Finidi, Thompson Oliha. | Crédit image : BBC.com

 

Le Nigeria se présente avec un groupe homogène savant mélange de jeunesse et d’expérience, il est annoncé comme le favori de cette Coupe d’Afrique. Seul Efan Ekoku né en Angleterre intègre le groupe et fait figure de nouveau. La fédération change aussi de dimension, elle signe un contrat avec Adidas qui confectionne de superbes maillots exclusifs à l’équipe nationale.

L’entrée dans le tournoi contre le Gabon, néophyte à ce niveau, tourne à la démonstration. Les Green Eagles s’imposent 3-0 grâce à un doublé de Rashidi Yekini et un but de Mutiu Adepoju. Ensuite, les Egyptiens parviennent à accrocher le nul 0-0 face aux hommes de Westerhof, ce sont les Pharaons qui prennent la première place du groupe à la différence de buts suite à leur victoire face aux Gabonais 4-0.

Le quart de finale oppose le Nigeria au Zaïre dans un remake du match au même tour entre les deux formations deux ans plus tôt. Encore une fois, ce sont les partenaires de Yekini qui l’emportent de façon encore plus nette et avec le même buteur qui cette fois marque à deux reprises. Le taureau de Kaduna inscrit le premier but à la 51e minute sur une superbe ouverture du jeune Sunday Oliseh, il double la mise sur un penalty qu’il a obtenu lui-même à la 71e minute. Il inscrit son 27e but en sélection sous la direction de Clemens Westerhof en seulement 4 ans.

Le niveau de l’adversité monte de plusieurs crans en demi-finale, ce sont les Ivoiriens tenants du titre et adversaires au cours des éliminatoires de la Coupe du Monde, qu’il faudra éliminer pour atteindre la finale. Les Eléphants viennent de livrer une extraordinaire bataille en quart de finale contre le Ghana pour se qualifier à l’issue de l’un des plus beaux matches de l’histoire de la CAN. Cette demi-finale va faire encore mieux et surpasser tout ce qu’on a pu voir en termes de niveau de jeu et qualité au cours d’une Coupe d’Afrique. La première période est exceptionnelle, le ballon ne sort jamais, les deux équipes se rendent coup pour coup. Michel Bassolé profite d’une mauvaise sortie de Peter Rufaï sur corner pour ouvrir le score de la tête à la 19e minute. Sept minutes plus tard, à l’issue d’un superbe une-deux avec Jay-Jay Okocha qui effectue une remise du talon, Benedict Iroha égalise d’un tir croisé de l’extérieur du pied droit qui trompe Alain Gouaméné le portier Ivoirien. Bassolé redonne l’avantage aux Ivoiriens à la 31e minute d’une puissante frappe à l’entrée de la surface. L’inévitable Yekini remet les deux équipes à égalité cinq minutes avant la mi-temps, suite à un gros travail de George Finidi sur le côté droit qui centre en retrait. 2-2 après un premier acte de toute beauté. La suite du match sera moins intense, la faute à une équipe Ivoirienne épuisée de son énorme match au tour précédent, le Nigeria domine nettement mais manque de réalisme. La séance de tirs au but décidera du vainqueur et ce sont les Green Eagles qui l’emportent 4-2 à l’issue des duels, Yekini transforme le tir au but décisif.

Le Nigeria est en finale, et cette fois dans la peau du favori, c’est la Zambie qui lui fait face et sa présence en finale est totalement inattendue. La sélection a vécu une tragédie un an auparavant. Le 27 avril 1993, la quasi-intégralité de l’effectif a disparu au cours d’un accident d’avion, c’était probablement la meilleure sélection de son histoire et elle semblait partie pour se qualifier pour sa première Coupe du Monde. Une nouvelle équipe a été reconstruite à la hâte, avec à sa tête sur le terrain Kalusha Bwalya qui n’était pas dans l’avion ce jour-là, car il jouait au PSV Eindhoven et devait rejoindre ses coéquipiers plus tard. Sur la lancée d’un excellent parcours de qualifications pour la Coupe du Monde, où les Chipolopolos ont échoué juste un point derrière le Maroc pour obtenir le précieux sésame pour les Etats-Unis, les Zambiens confirment donc en atteignant la finale de la CAN.

En ce 10 avril 1994, au Stade El Menzah de Tunis et sa configuration en pétale de fleur caractéristique, la Zambie ouvre le score dès la 3e minute par Elijah Litana qui reprend d’une tête puissante un corner botté par Kalusha Bwalya. L’effet de surprise ne dure que deux minutes, Emmanuel Amunike, qui n’avait pas encore joué la moindre minute durant la compétition et titularisé à la surprise générale, reprend une tête d’Uche Okechukwu sur un corner de Jay-Jay Okocha et remet les deux équipes à égalité. Le Nigeria prend le contrôle du match sans réussir à prendre l’avantage, le score reste de 1-1 à la mi-temps. En début de seconde période, à la suite d’une longue ouverture de Sunday Oliseh, Amunike contrôle le ballon du pied gauche et fusille à bout portant du droit le portier Zambien, James Phiri impuissant. Le Nigeria prend enfin l’avantage durant cette finale. La suite du match est difficile pour les hommes de Westerhof. Poussé par un public acquis à sa cause, la Zambie joue le tout pour le tout et se crée un nombre incalculable d’occasions toutes repoussées par Rufaï, bien aidé par son poteau en fin de match. Le Nigeria conserve son avantage et devient, pour la deuxième fois, champion d’Afrique à l’issue d’une compétition dont elle était la meilleure équipe.

Les Green Eagles suite à ce titre se font officiellement appeler les Super Eagles et avancent en outsider pour les Etats-Unis.

Lire aussi: Petite histoire des Green / Super Eagles (Deuxième Partie)

Crédit image :

FIFA.com

Tagged Algérie, CAN, Côte D'Ivoire, Coupe du Monde 1994, Daniel Amokachi, Emmanuel Amunike, Jay-Jay Okocha, Nigeria, Rashidi Yekini

3 thoughts on “Petite histoire des Green / Super Eagles (Première Partie)

  1. Magnifique !
    Grand kiffe que de relire cette épopée !
    Elle est où la suite ?
    Possible de faire pareil avec d’autres nations ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.