Les origines de la Coupe du monde

La Coupe du monde de football a eu histoire qui remonte avant 1930 et la première édition en Uruguay. La FIFA a organisé un championnat du monde amateur où déjà l’Europe, l’Amérique du Sud et du Nord, ainsi que l’Afrique étaient invités à participer. L’ancêtre de la Coupe du monde se nomme les Jeux Olympiques, mais un conflit va éclater entre le Comité Olympique et la FIFA qui vont se séparer, donnant naissance à la Coupe du monde. Retour sur le processus de création de la Coupe du monde, où deux français joueront un rôle clé.

Fondée en 1904, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), a créé la Coupe du Monde sous l’impulsion et l’influence de deux français. L’un était délégué à l’International Board de la FIFA, l’autre en était le président, à eux deux Henri Delaunay et Jules Rimet, ont été les deux grands artisans de la plus grande compétition sportive au monde. La FIFA commença par organiser ses premiers tournois internationaux avec le Comité International Olympique (CIO).

Tous les quatre ans les Jeux Olympiques permettait à la FIFA d’organiser un tournoi de football. Reconnu en 1914 par la FIFA, le tournoi olympique de football de 1920 est le premier championnat du monde amateur de football. Mais une divergence fondamentale autour de l’amateurisme dans le football va diviser la FIFA et le CIO. Ardant défenseur de l’amateurisme depuis sa création, le CIO refuse de reconnaître le statut de professionnel dans le sport, un vœu cher aux yeux de la FIFA. En 1926, après le congrès de Rome, la FIFA remet en cause le statut de l’amateurisme au sein de son règlement, comme le stipule ce procès-verbal de la FIFA :

Il n’est pas permis de payer des remboursements pour compensation de salaire perdu, excepté dans des cas spéciaux, qui seront fixés par chaque Association Nationale.

(Source : Florence Carpentier/Cairn)

Les débats sont rudes et une distance se creuse peu à peu entre les deux organisations internationales. Déjà aux Jeux de 1924, près de 1 800 0000 francs provenaient du tournoi de football sur un total d’environ 5 400 000 francs (soit plus de 30% des revenus). La finale entre l’Uruguay et la Suisse a rapporté 516 575 francs. Rebelotte en 1928, près de 540 000 florins provenaient du tournoi de football, soit plus d’un tiers des recettes des Jeux d’Amsterdam (un total de 1 435 343 florins). Cette part importante de revenus témoigne du succès grandissant du football comme sport de masse face aux sports de l’époque que sont le cyclisme, l’athlétisme, ou la boxe.

Les Jeux Olympiques de 1928 seront au cœur du débat ; après des pressions et des menaces de boycott, la FIFA organise le tournoi de football, un évènement économique majeur pour les Jeux Olympiques. Le Comité Olympique dirigé à l’époque par le belge Henri de Baillet-Latour, fera le choix de l’argent au profit des valeurs du CIO. Malgré les tensions, les Jeux ne peuvent pas se passer du football, générateur de revenus et de foules, ce à quoi le tennis ne peut pas prétendre. Le sport de raquette – appelé lawn tennis – fut banni du programme olympique en 1926, après que la Fédération internationale de lawn tennis ait réclamé des rémunérations pour les joueurs. Le tennis fera son retour plus de soixante ans plus tard, en 1988 à Séoul.

Les Jeux de 1928 sont organisés avec 18 pays, malgré le boycott de la Grande-Bretagne et de cinq autres pays nordiques. Cette absence s’explique par le fait que des compensations pour salaires perdus ont été versées aux joueurs en déplacement aux JO, à la suite d’un accord entre la FIFA et le CIO, ce qui revenait à autoriser la professionnalisation des footballeurs le temps d’un tournoi, une situation inacceptable pour les britanniques et les nordiques fervents opposants au professionnalisme.

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Avant le tournoi, les deux organisations se sont entendues sur une rémunération des joueurs, selon un rapport officiel des Jeux de 1928, les joueurs ont pu recevoir « 75 % de leur salaire pour les célibataires et 90% de leur salaire pour les hommes mariés et célibataires qui sont soutiens de famille ». Mais les rémunérations sont versées aux employeurs, témoignant d’un système paternaliste, où les joueurs de foot ne sont pas encore considérés comme des professionnels, même si l’amateurisme marron – un joueur pouvait être pour son football grâce à un emploi fictif ou des primes – proposait déjà une forme de rémunération officieuse pour les joueurs les plus talentueux.

Le succès du tournoi olympique de football de 1924 qui a vu l’Uruguay triompher à Paris, ainsi que le conflit patent qui opposa la FIFA et le CIO autour de la question de l’amateurisme, poussera la FIFA à organiser une consultation auprès de ses membres pour se pencher sur la création d’un tournoi distinct du CIO. Après une première consultation en 1926, l’année suivante à Zürich, une commission se réunit afin de proposer des projets de compétition de football à la FIFA.

Jules Rimet (à gauche) et Henri Delaunay (à droite). | Crédit image : Wikipedia.org

Plusieurs membres de la FIFA, dont le français Henri Delaunay, l’allemand Felix Linnemann, et l’autrichien Hugo Meisl, vont proposer des projets de compétition. Le premier soutenu par Delaunay propose l’organisation d’une compétition internationale, où tous les continents seraient invités à participer tous les quatre ans. A cette proposition internationale, Linneman propose lui aussi une Coupe du Monde, mais à l’inverse de son homologue français, l’allemand voudrait un tournoi pour les amateurs, tous les quatre ans, ainsi qu’un pour les professionnels, tous les deux ans.

Le conservatisme encore bien présent à la FIFA verra une autre proposition aux accents européens. Le troisième, Hugo Meisl soutient l’organisation d’une « Coupe de l’Europe » au profit des nations d’Europe centrale, étant lui-même le sélectionneur de l’équipe d’Autriche de 1919 à 1937. Les trois projets reflètent trois visions du monde du football, la vision euro-centrée opposée aux visions universalistes, alors que le débat entre professionnalisme et amateurisme est encore présent au sein de la FIFA.

La proposition de Meisl verra le jour la même année, sous la forme d’une Coupe d’Europe des clubs, la première édition de la Coupe Mitropa aura lieu entre des clubs venus d’Autriche, d’Hongrie, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie. En 1928, le congrès de la FIFA réuni à Amsterdam va voter à la majorité (23 voix à 5) le projet d’Henri Delaunay, c’est ainsi que la Coupe du Monde prend vie. La même année, les termes de la compétition sont définis – les dates et la périodicité -, l’année suivante, le congrès se réunit à Barcelone pour choisir qui de l’Italie, la Hongrie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède ou l’Uruguay, organisera le premier mondial.

Le contexte économique aura raison des nations européennes, durement touchées par le krach boursier de 1929 ; avant même le vote les pays du vieux continent se retirèrent chacun leur tour, laissant à l’Uruguay, l’organisation de la première Coupe du monde. Le congrès de Barcelone désigne sans voter l’Uruguay, qui s’engagera plus tard à financer les voyages des équipes invitées, en plus de prendre en charge les frais d’organisation, alors que l’économie internationale est à son plus bas.

Le choix de l’Uruguay n’est pas anodin malgré les circonstances économiques du krach boursier. Déjà en 1925, le président de la FIFA, Jules Rimet, se rend en Amérique du Sud où il rencontre le diplomate uruguayen, Enrique Buero, l’occasion pour l’Uruguay de se positionner comme candidat à une possible compétition internationale sur son sol. Fort de ses deux titres olympiques en 1924, puis en 1928, la Celeste est sans conteste la meilleure nation de football dans les années 1920. Le mondial 1930 apparaît comme une évidence aux yeux des uruguayens : pour le centenaire de l’indépendance du pays, c’est l’Uruguay qui doit organiser la compétition !

Le contact permanent entre Jules Rimet et les nations sud-américaines permettent le développement des relations diplomatiques entre la FIFA et la CONMEBOL – la fédération sud-américaine de football. Une relation novatrice pour l’époque, alors que l’eurocentrisme fait rage à la FIFA, les nations européennes ne regardent pas plus loin que l’Europe, l’Italie et les pays d’Europe centrale déclineront l’invitation de la FIFA pour disputer la Coupe Intercontinentale. L’Allemagne et les pays nordiques, défenseurs d’un football amateur boycotteront l’événement, alors que l’Angleterre n’a encore guère de considération pour la FIFA.

Les efforts diplomatiques de Jules Rimet – organisant régulièrement des voyages en Amérique Latine – seront payant pour l’ouverture du football au continent sud-américain, alors que la FIFA était encore peu présente sur le continent. Finalement en 1929 à Barcelone, l’Uruguay sera le seul candidat à l’organisation du premier mondial, un succès pour les uruguayens et l’Amérique du Sud. Grâce à deux français, la Coupe du monde verra le jour, traversant l’Atlantique pour la première édition, elle se rendra ensuite aux quatre coins du monde, à la conquête des foules.

Crédit image :

Deccan Herald

 

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