Homare Sawa : Idole de tout un peuple

Jamais un pays asiatique n’avait remporté la Coupe du monde jusqu’au sacre du Japon en 2011. Un titre historique acquis aux dépends des États-Unis, dans une finale mémorable. L’une des héroïnes ce soir-là se nomme Homare Sawa, capitaine de la sélection japonaise, la numéro dix livrera une prestation de haute volée. De son Japon natal au États-Unis en passant par l’Allemagne, retour sur une carrière couronnée de succès.

L’histoire de Homare Sawa commence à Tokyo, où elle voit le jour le 6 septembre 1978. Un an plus tôt, l’équipe féminine du Japon participe à sa première compétition internationale à la Coupe d’Asie féminine. Le football féminin commence à se développer petit à petit au Japon avec l’apparition de plusieurs ligues régionales dans l’archipel. Le football est encore un sport marginal pour les femmes au Japon, mais cela n’empêche pas la jeune Sawa de jouer au football dès l’âge de 6 ans. C’est le début d’une passion qui démarre pour Homare, une passion qui l’amènera à faire du football son métier pendant 25 ans.

Pas de temps à perdre

Douée techniquement, elle tape dans l’œil des recruteurs du Yomiuri Beleza (devenu le Nippon TV Beleza), club féminin qui évolue en première division féminine japonaise. Elle n’est encore qu’une enfant quand elle signe pour le Yomiuri, puisqu’elle n’a que 12 ans. Une gamine qui n’a pas peur de griller les étapes, jouant son premier match dans le championnat japonais dès sa première saison en 1991. A l’aise des deux pieds et de la tête, elle récite un football de qualité au milieu de ses aînées, s’offrant le luxe de marquer cinq buts en treize matchs de championnat. Une première saison incroyable pour Homare qui ne pouvait pas rêver mieux en remportant le titre de champion lors de sa première saison. Là voilà championne du Japon à tout juste 12 ans. Le conte de fée continue les saisons suivantes avec une sélection dans le meilleur onze de la saison en 1993, à l’âge de 14 ans. Le talent hors du commun de la milieu de terrain japonaise se confirme d’année en année. En sept saisons avec le Yomiuri Beleza, elle est nommée cinq fois dans le meilleur onze de la saison, elle remporte deux championnats, et elle inscrit 79 buts en 136 matchs. Un joli palmarès à seulement 21 ans.

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Son aventure avec le maillot bleu et blanc de la sélection commence en 1993. Elle démarre à l’occasion d’un match amical contre les Philippines, un match où la milieu de terrain va émerveiller la pelouse de tout son talent. Ce jour-là elle inscrit un quadruplé, une nouvelle prestation incroyable pour l’adolescente qui ne cesse d’impressionner au Japon. Buteuse hors pair malgré un physique peu imposant (1m65 pour 55 kg), elle enfile les buts comme des perles avec le Japon, devenant la recordman de buts marqués avec le sélection japonaise (83 buts). Présente sous la tunique de la Nadeshiko de 1993 à 2015, elle détient le record de sélections avec le Japon (205 sélections). C’est une véritable icone au pays du soleil levant, puisqu’il ne faut pas oublier que Sawa est aussi codétentrice du record de participation en Coupe du monde : 6 éditions entre 1995 et 2015.

 À la conquête du monde

En 2011 elle va écrire l’un des plus plus belles pages du football japonais à la Coupe du monde. Arrivée en Allemagne après une qualification acquise face à la Chine à la Coupe d’Asie (une victoire 2-0 dans le match pour la 3ème place), le Japon n’avait jamais fait mieux qu’un quart de finale en 1995. Du haut de son statut d’outsider, la sélection asiatique nourrissait de grandes ambitions avec Sawa dans son effectif. L’expérimentée capitaine a pu peaufiner son jeu en se confrontant à un autre football, après deux expériences aux États-Unis avant de revenir au pays. D’abord un retour dans son club de cœur, le Nippon TV Beleza, qui sera de nouveau couronné de succès entre 2004 et 2009. Après quatre titres nationaux et deux titres de meilleure joueuse, elle repart tenter sa chance en Amérique en 2009. Elle passe deux saisons au Washington Freedom aux côtés de plusieurs cadres de la sélection américaine, dont la buteuse Abby Wambach. Mais Coupe du monde oblige elle fait le chemin inverse en 2011 pour préparer le prochain tournoi international qui s’annonce historique pour le Japon. C’est l’INAC Kobe Leonessa qui va l’accueillir, son dernier club jusqu’à sa retraite en 2015.

La Coupe du monde démarre sur des chapeaux de roues pour Sawa et la Nadeshiko. Après une première victoire face à la Nouvelle-Zélande, le Japon va corriger le Mexique. Dans ce match de poule, la capitaine japonaise va se muer en serial buteuse avec un match parfait pour s’imposer tranquillement 4-0. Dans le premier quart d’heure elle propulse une tête au fond des filets. Sawa récidive avant la pause, encore une fois de la tête. Finalement en fin de rencontre, elle s’offre le triplé après une passe en retrait de la latérale Yukari Kinga. Sawa signe un extraordinaire triplé, le seul de sa carrière en Coupe du monde et surtout le seul de ce Mondial.

Le coup du talon

La qualification en poche après deux matchs, le Japon poursuit sa route au second tour. En quart de finale, le favori allemand, double champion du monde en titre, se fait éliminer à la surprise générale par la bande à Sawa en prolongation. La folle aventure japonaise prend un tournant encore plus magique en demi-finale contre la Suède. La meilleure joueuse japonaise dans ce Mondial va confirmer son statut de star internationale en marquant un but décisif à l’heure de jeu pour donner l’avantage aux siennes. Une fois de plus Sawa inscrit un but de la tête, et le Japon rejoint la finale de la Coupe du monde. Une première totalement inattendue qui donne espoir à tout un peuple derrière son équipe et sa capitaine. Homare dispose d’une chance unique de rapporter la Coupe du monde à la maison, âgée de 33 ans, elle sait qu’elle n’aura peut-être pas d’autre chance devant elle.

L’adversaire du Japon n’est pas une novice à ce stade, puisque ce sont les États-Unis qui se dressent devant la sélection japonaise. Arrivées en finale après un parcours peu convaincant, les Américaines ne sont pas en confiance avant de disputer la finale à Francfort. Battus par la Suède en poule, les États-Unis ont eu du mal à se débarrasser du Brésil en quart de finale, après une victoire aux tirs aux buts. Et la finale fera écho au manque de confiance des Américaines.

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La finale va voir les États-Unis manquer cruellement de réussite devant le but. Dominatrices, les Américaines vont devoir attendre la dernière demi-heure pour voir Alex Morgan (22 ans) ouvrir le score. Sous pression mais pas abattues, les Japonaises ont du répondant, Aya Miyama en est la preuve. Compère de Sawa au milieu, la joueuse de 26 ans va égaliser à la 81e minute après un cafouillage dans la défense américaine. En prolongation les États-Unis vont reprendre l’avantage à la 104e grâce à Wambach, mais le Japon ne va pas en rester là. La fatigue se fait sentir du côté des Américaines, alors que le Japon met la pression pour survivre dans cette finale. Le match bascule dans la folie à trois minutes du terme. Sur un corner tiré par Miyama, c’est Sawa qui surgit devant tout le monde pour tromper la gardienne adverse d’un coup du talon.

« Après avoir égalisé dans les derniers instants du match, nous avons sentis qu’on avait le momentum (…) La foule pouvait aussi sentir qu’on avait le momentum. Au contraire les joueuses Américaines avait l’air plutôt nerveuses. C’était une atmosphère incroyable »

Homare Sawa au micro de FIFATV

La séance de tirs aux buts est un calvaire pour les Américaines : elles verront leurs trois premières tentatives échouer. Avec le sourire les Japonaises vont convertir trois penalties pour s’offrir le premier titre mondial du Japon. La surprise est totale en Allemagne, personne ne pouvait prédire un sacre du Japon, encore moins devant les États-Unis qui n’avaient jamais perdu contre elles en 25 confrontations. Le football féminin est en train de vivre une révolution qui met en lumière le football féminin asiatique. Un continent qui dispose d’une ambassadrice de marque avec Homare Sawa qui a illuminé cette Coupe du monde. Mais ce n’est que le début d’une année unique pour la capitaine de la Nadeshiko.

Une année historique

La compétition de Sawa a été brillante du début à la fin. Capitaine exemplaire, elle a mené son équipe jusqu’à la victoire finale, inscrivant au passage cinq buts dans le tournoi. Une réussite devant le but qui va lui permettre de remporter le Soulier d’Or Adidas de meilleure buteuse, devant la star brésilienne Marta. Une récompense qui ne vient pas seule, puisqu’elle reçoit aussi le Ballon d’Or Adidas de la meilleure joueuse du tournoi. Un doublé qui l’a faite rentrée dans les livres d’histoire, aux côtés de Birgit Prinz (2003) et Marta (2007). On peut aussi citer Sun Wen, Carli Lloyd et Megan Rapinoe, mais elles n’étaient pas seules en tête du classement des buteuses.Quelques mois après son sacre mondial, Sawa va être élue meilleure joueuse du monde, en remportant le précieux Ballon d’Or. Un trophée individuel de plus à mettre sur son étagère, qui fait de la japonaise, la seule joueuse asiatique à recevoir cette distinction.

« C’est un tournoi qui a changé l’histoire du football féminin. Il y avait tellement d’obstacles sur le chemin et c’était dur, mais ce qu’on a achevé fut le résultat de ne jamais rien lâcher »

Sawa au micro de FIFATV

La suite de sa carrière est pavée de succès. Les deux années suivantes elle remporte deux nouveaux championnats du Japon, en ayant un impact moins influent sur le jeu qu’auparavant. En 2013, elle soulève un nouveau trophée en remportant la Mobcast Cup, l’équivalent de la Coupe du monde des clubs. Son club de l’INAC Leonessa s’impose 4-2 devant Chelsea. Mais la réussite ne sera pas la même avec la Nadeshiko. Poussée peu à peu sur le banc, elle sera encore une titulaire indiscutable aux Jeux Olympiques 2012, tournoi qui verra le Japon finir à la deuxième place, derrière les États-Unis. Dans un rôle totalement différent, elle participera à sa dernière compétition internationale, à la Coupe du monde 2015. Âgée de 37 ans, Sawa n’a plus la même magie dans les pieds que quatre ans plus tôt. Le sélectionneur Norio Sasaki, présent sur le banc japonais depuis 2008, va prendre une décision difficile. C’est la milieu du Montpellier HSC, Rumi Utsugi, qui va prendre la place de titulaire, à côté de Mizuho Sakaguchi, reléguant Sawa sur le banc de touche. Un choix qui va mettre du temps à être accepté par l’ancienne capitaine japonaise, mais elle va se fondre peu à peu dans son nouveau rôle de joker. Le parcours du Japon sera presque aussi parfait qu’en 2011 avec une finale à la clé en éliminant : les Pays-Bas en huitième de finale, l’Australie en quart de finale, et l’Angleterre en demi-finale. Mais le résultat final sera plus mitigé. Confrontées à des Américaines revanchardes en finale, les Japonaises vont être dépassées par la puissance de feu des États-Unis. Carli Lloyd rentrera dans l’histoire en inscrivant un triplé, suffisant pour offrir la victoire aux Américaines (5-2 score final).

Après cette désillusion vécue en 2015, Homare Sawa va tirer sa révérence en annonçant sa retraite des pelouses. La fin d’une carrière incroyable qui l’aura amenée à se confronter aux meilleures joueuses de la planète. Son histoire unique restera dans les mémoires du football féminin, modèle de travail et de réussite, elle a changé le football féminin, amenant le Japon sur le toit du monde en 2011. Sawa est reconnue par ses pairs comme l’une des meilleures joueuses de sa génération, étant sans aucun doute la meilleure joueuse de l’histoire du Japon.

Images :

Worldfootball.net

Orlando Vinson

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